Salon du végétal : « Au lieu du rêve, nous avons rencontré du fatalisme »
Antoine Rigalleau et Jean-Claude Tessier, consultants s'intéressant au marché de l'horticulture, ont visité le Salon, à Angers (49), en février. Ils ont été pour le moins surpris et déconcertés par l'ambiance dans la filière...
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Mardi 16 février, nous commençons notre tour du Salon du végétal. De bonne heure, de bonne humeur, nous arpentons les allées à la rencontre des producteurs afin d'échanger sur leur métier, leur passion. Notre but : cerner le marché du végétal et voir si nous pouvons proposer nos services de conseil. Nous sommes spécialisés dans les approches d'optimisation de la performance des processus depuis plus de vingt ans dans les milieux industriels et de services.
Mais il faut bien le reconnaître, nous nous sommes pris une grosse claque ! Majoritairement, nous avons trouvé des professionnels fatalistes, désabusés, comme tétanisés. Une couche de morosité flottait au-dessus du Salon. Ni une ni deux, nous essayons de décoder : après tout c'est notre métier. « Mais vous comprenez, mon cher monsieur, nous ne nous battons pas avec les mêmes armes. » « Les Hollandais sont des commerçants, ils savent vendre, pas nous. » « Les pays du Nord utilisent de la main-d'oeuvre à bas coût... » « Les pays du Sud... on n'ose pas dire. » « Les réglementations françaises et européennes nous empêchent de travailler efficacement... » « Les Français sont moroses, râlent tout le temps et n'achètent pas de végétaux. La solution : la déchéance de nationalité pour tous. » Nous avons eu droit à tout !
Vérité ? Fausses croyances ? Excuses ? Pas refroidis pour deux sous, nous continuons notre enquête tels des Sherlock Holmes de l'horticulture. Nous prenons le temps de l'investigation, nous recoupons nos informations, nous prenons une pause au café à l'extérieur pour décanter (je n'ai pas dit déchanter). Rien n'y fait, il faut bien se rendre à l'évidence, le problème n'est pas chez les producteurs. Pire, à plusieurs reprises, nous entendons des commentaires on ne peut plus optimistes du type : « Dans trois ans, combien seront encore au Salon ? ». Ou encore : « Ce professionnel-là, dans deux ans il est mort. » Ça donne du peps...
Que se passe-t-il dans ce monde du végétal ? C'est la conséquence du réchauffement climatique, le virus Zika qui produit ses effets sur le cerveau des professionnels, l'impact du digital, une vague de déprime collective ? L'urgence, ce ne sont pas les végétaux mais la thérapie de groupe. Vite, mettons en place une cellule de soutien psychologique de la profession.
Se concentrer sur les réussites
En parlant de profession, nous nous sommes dit que nous trouverions du réconfort, de l'espoir du moins, auprès de l'interprofession ou des groupements... Que nenni ! Ils sont parfois aussi déprimés, voire paralysés par leurs difficultés à trouver des solutions adéquates. « Les producteurs ont des soucis de trésorerie. Ils sont trop petits. Ils n'arrivent pas à mettre en commun leurs ressources. L'intérêt particulier prime toujours sur le collectif. »
Wouah, vite un antidépresseur en libre-service pour tout le monde ! Bon, il doit bien y avoir une explication. Nous reprenons le chemin de l'investigation. Loupe à la main, nous parcourons les stands, interrogeant les uns, les autres. Nous observons, nous questionnons, nous écoutons, nous reformulons... Nous commençons à avoir des pistes.
La loi de l'offre et de la demande s'est inversée. Par le passé, tout ce qui était produit était vendu. Les professionnels du secteur n'ont pas ménagé leur énergie. Ils ont la passion du métier. Leur savoir-faire consistait principalement à semer, bouturer, surveiller, soigner, récolter, préparer les commandes... Et ils sont plutôt performants pour ça ! Seulement voilà, aujourd'hui, dans un marché où il y a davantage d'offre que de demande (sauf sur certains créneaux spécialisés), il faut séduire l'acheteur. Alors, ils se sont mis à proposer de nouveaux produits, élargir leur gamme, essayer de nouveaux marchés, avec force et détermination, semble-t-il. « C'est vrai que je ne connais pas toujours mes coûts de revient par famille de produits, et que je ne connais mal ce que veut le client (mais il ne le dit pas). Je n'y suis pour rien puisque j'ai fait tout ce que je pouvais faire. » Oh, il y a bien par-ci par-là des producteurs plus concernés par leur patrimoine que par leur entreprise, mais c'est marginal. Alors, il n'y a donc plus rien à faire ? Changement de stratégie, je m'immisce dans la peau du consommateur... Je regarde, j'essaye de comprendre et je me rends compte que, non seulement je ne comprends pas la langue (le latin « botanicus ») mais qu'en plus je cherche des solutions globales et on me propose inéluctablement une plante. Nouvelle désillusion !
Nous nous remettons toutefois en marche, en quête des bonnes questions pour enfin comprendre. Nous décidons de nettoyer nos lunettes fortement embrumées par le brouillard ambiant. Nous arpentons les allées mais, cette fois, avec l'idée de nous concentrer sur les réussites.
Une volonté de se différencier des autres
Et nous avons rencontré des gens sereins, enthousiastes, avec toujours cette même passion du végétal et un petit quelque chose en plus, propre à chacun d'entre eux mais ayant comme point commun le désir de se différencier des autres. Comment puis-je apporter, avec les ressources qui sont les miennes, davantage de valeur à mon client ? Et cette création de valeur ne passe pas exclusivement par une innovation variétale. Comment lui donner envie d'acheter chez moi ? Mieux : comment faire pour que je devienne incontournable dans ses achats ? Comment me démarquer ? Si je fais simplement ce que tout le monde fait, le seul critère est le prix et alors là, je suis en grand danger. Est-ce que j'utilise bien toutes les ressources, les énergies dont je dispose au service de mon client ? La première décision pouvant être de chasser la morosité.
Les professionnels se posent beaucoup de questions : pourquoi les autres sont-ils moins chers que moi ?, pourquoi je ne vends plus mon laurier palme ?, que font les commerciaux ?, vais-je trouver un repreneur ?, pourquoi tant de règles qui nous handicapent ? Le problème de ces questions, c'est que les réponses sont chez les autres, je n'ai donc aucun impact sur elles. Avec pour résultat la frustration.
Et si nous reprenions le pouvoir. Et si une grande partie des réponses était entre nos mains :
- Est-ce que certaines demandes de mes clients, qui m'agacent aujourd'hui, ne seraient pas une opportunité plutôt qu'une contrainte ?
- Que faudrait-il faire pour être plus réactif aux variations de commandes de mes clients ?
- Mon équilibre entre production propre et négoce est-il le bon par rapport aux variations et aux demandes de mes clients ?
- Que cherche le client ? Comment, seul ou ensemble, pourrais-je devancer ses attentes ?
- Est-ce que j'entends les bonnes idées de mes employés ?
- Est-ce que je serais capable de produire mieux et plus vite ?
- La révolution digitale peut-elle être une opportunité dans mon métier ?
- Comment donner envie à la distribution de me choisir durablement comme fournisseur ?
C'est un monde que nous découvrons. Sous la morosité bien réelle, il y a des hommes et des entreprises qui ont une histoire. Il y a plein d'énergie disponible, plein d'expériences et de compétences, plein de passion et de passionnés. Et peut-être un nouveau modèle à inventer ?
L'équipe C-AGILE
Pour accéder à l'ensembles nos offres :